Récemment mis à jour le 7 octobre 2016 à 11:22:32
Photo : Sandro Campardo – Keystone
Le 26 avril dernier, le parlement neuchâtelois a adopté, en 2ème débat, un projet de loi (PL) déposé par les groupes socialiste et PopVertsSol du 20 février 2015, visant à modifier la Constitution cantonale pour y inscrire l’éligibilité des étrangers par 65 voix en faveur contre 47 en opposition.
Alors qu’initialement, la commission législative l’avait refusé, en janvier 2016, le Grand Conseil l’avait désavouée en votant l’entrée en matière sur ce projet de loi octroyant ce droit aux détenteurs d’un permis C et établis depuis au moins cinq ans dans le canton.
Renvoyé en commission, ce projet de loi a été traité en avril et plébiscité largement grâce au soutien de la gauche, des verts libéraux et de quelques élus du PLR.
Si ce vote est confirmé en 3ème débat, au mois de juin 2016, la décision sera soumise à une votation populaire, s’agissant d’une révision constitutionnelle soumise au référendum obligatoire.
Le Conseil d’Etat y avait exprimé son soutien au PL en soulignant deux arguments en sa faveur :
« Premièrement, l’éligibilité constitue un facteur d’intégration important. Neuchâtel est pionnier en la matière, il doit le rester. Deuxièmement, le Conseil d’Etat souhaite voir le canton de Neuchâtel en force d’innovation. Ce projet de loi, unique en Suisse, constitue une innovation opportune. »
En séance plénière, Alain Ribaux, Conseiller d’Etat PLR, en charge du Département de la justice, de la sécurité et de la cutlre a confirmé le soutien du Conseil d’Etat. Il a précisé que : « Neuchâtel, (est une) terre d’innovation et d’ouverture au monde. Nous pouvons en être fiers, le Conseil d’Etat est favorable à l’éligibilité des étrangers.
« Aucun impact négatif n’a été constaté au fil de ces extensions des droits civiques, relève le Conseil d’Etat. Au contraire, cela favorise le sentiment d’appartenance et de responsabilité, de même que l’intégration et la cohésion sociale. (ats/nxp) »
On retiendra des débats d’avril les deux interventions suivantes:
M. Thomas Perret (POP-SOL) :
« (Il s’agit d’une) mesure qui rendrait plus cohérent et plus juste notre système démocratique en supprimant la situation où plusieurs milliers de citoyens peuvent élire, mais ne pas être élus sur le plan cantonal. Cette mesure constitue l’aboutissement logique de l’évolution des droits politiques des étrangers entamée en 1849, alors même qu’aucun signe de dysfonctionnement n’est apparu lors des étapes précédentes. Cette mesure est innovante en Suisse, elle donne du souffle à notre démocratie, elle réaffirme l’image d’ouverture que nous voulons donner de notre canton et en plus, elle ne coûte rien. Cohérence, logique, intégration, absence de signal incitant à la méfiance, image positive du canton. (…) Que demander de plus à un projet de décret ? Pourquoi avoir peur ? Pourquoi avoir peur de faire franchir ce pas à notre citoyenneté neuchâteloise, un pas qui est somme toute assez modeste et qui n’a rien de révolutionnaire. Mais un pas qui serait malgré tout un bel emblème pour notre collectivité et qui lui donnerait l’allant qui lui manque souvent. »… « Un canton, un espace, une citoyenneté »
M. Fabio Bongiovanni (PLR)
Voix de la minorité PLR : « … une voix qui préfère fonder sa conception de la citoyenneté sur la résidence durable, plutôt que celle fondée sur la nationalité. Nous estimons que notre conception actuelle de la citoyenneté doit évoluer. En effet, à une époque marquée par l’ouverture des frontières et l’augmentation des flux migratoires, une nouvelle forme de citoyenneté se dessine. La citoyenneté n’est pas uniquement un statut juridique. Il s’agit d’une notion sociale fondée sur la participation des habitants à la collectivité. Cette nouvelle forme de citoyenneté s’inscrit dans la perspective de la démocratie territoriale qui prévoit que l’approbation des lois soit le fait de toutes celles et de tous ceux qui en subissent les conséquences et ce, sans égard à la nationalité des votants. Même si elles ne sont pas ressortissantes, les familles étrangères participent à la vie culturelle, sociale, économique, sportive, associative, travaillent dans leurs collectivités de domicile, y paient des impôts de la même manière que les nationaux. Serait-il raisonnable de leur fermer une porte, de considérer leur force de travail comme seul atout ? Pour des raisons d’humanisme, nous pensons que non. Limiter leur participation à l’élection, comme c’est le cas aujourd’hui ne correspond pas à notre vision de la démocratie. Pour des raisons d’équité, nous souhaitons en finir avec cette incohérence et ces « demi-citoyens ». Imaginer qu’une personne établie dans le canton depuis 10 ans puisse voter pour un député, qu’elle n’apprécie pas le vote que celui-ci ait fait, que sa décision lui soit soumise en référendum, mais qu’en revanche celle-ci ne puisse pas venir défendre elle-même sa position devant le Grand Conseil : cette situation nous paraît tout-à-fait incohérente. Les étrangers qui participent à la vie de notre société s’intègrent naturellement par le travail. Ils font intrinsèquement partie de notre société. Leur seule force de travail ne nous intéresse pas. Nous devons être prêts à recevoir leurs idées, leurs propositions. L’octroi des droits politiques aux étrangers apporterait non seulement un avantage à ceux-ci, mais aussi à la collectivité qui s’enrichirait de leur apport civique. Pour des raison politiques, nous soutenons le droit d’éligibilité des étrangers. Imaginez un entrepreneur étranger qui pourrait avoir des incidences considérables sur la vie de note canton, sur la vie d’une région de par ses décisions de chef d’entreprise, mais qui ne pourrait pas venir s’exprimer ici, au Grand Conseil pour accorder un crédit ou non à l’une ou l’autre des propositions qui nous seraient faites. A notre sens la nationalité et la citoyenneté sont des notions différentes. La naturalisation est une démarche émotionnelle, un acte d’amour envers leur patrie future. Alors que l’entrée dans la citoyenneté est la manifestation de la volonté de participer au processus démocratique. En conclusion, Madame la présidente, Mesdames et Messieurs, pour toutes les raisons évoquées, nous vous invitons à faire preuve d’ouverture et d’esprit d’innovation et à soutenir la proposition d’octroi du droit d’éligibilité aux étrangers durablement établis dans notre canton. Merci. »
Plus d’informations:
http://www.ne.ch/autorites/GC/sessions/Pages/videos.aspx
http://www.canalalpha.ch/actu/eligibilite-cantonale-des-etrangers-neuchatel-sy-remet/
http://www.ne.ch/autorites/GC/objets/Documents/Rapports/2015/15126_com.pdf