L’Université Populaire Albanaise (UPA) fait preuve d’allant citoyen. Voici déjà quelques mois qu’elle a pris l’initiative d’un projet, cofinancé par le BIE et la CFM, intitulé “Vivre sa citoyenneté à Genève” (voir sous Facebook) visant à rendre visibles les moyens pour leurs membres et affiliés de participer dores et déjà à la vie politique locale, et donc à s’insérer comme protagonistes à part entière dans les débats antérieurs aux municipales d’avril 2015, où ils pourront, pour la troisième fois de l’histoire, joindre leur propre voix à celles des suisses.
Film “Objectif citoyenneté”
Cette louable tentative a donné lieu à un film de plus de 20 minutes, intitulé “Objectif citoyenneté”, faisant d’abord le tour les droits acquis à Genève depuis 2005, limités comme chacun devrait maintenant l’avoir intériorisé au seul droit de vote de qui peut justifier de 8 ans de séjour ininterrompu dans notre pays. Ce clip donne ensuite la parole à des personnes de la société civile et politique pour illustrer ces droits, vanter leur exceptionnalité ou, comme votre serviteur à qui il a été offert de participer, en souhaiter avant tout l’approfondissement. Ce clip a été montré par la concepteure et mandataire de l’UPA, Mme Ardita-Driza Maurer, en avant-première le 8 septembre 2014 à la séance inaugurale où la Ville de Genève a présenté aux associations “la politique municipale de la Ville de Genève en matière de diversité”. Confectionné et animé par M. Gëzim Ilazi, ce clip ouvre la séquence vidéo du compte Facebook associé au projet de l’UPA, et sa première diffusion publique remonte au 20 novembre, date de la présentation publique de la politique municipale par Mme Salerno et ses services compétents. Vous y trouverez la prestation de l’auteur, fronçant visiblement les sourcils face au soleil en s’efforçant, aux alentours des minutes 8m43 et 19m20, d’expliquer que le droit de participation cantonal reste à conquérir.
Autres aspect du projet UPA
A l’heure où j’écris, je ne puis affirmer que ce projet s’inscrivait dans la série établie fin 2011 sous impulsion gouvernementale CFM et partenariat semi-privé avec le Pour-cent culturel Migros, doté de 320’000 francs pour “encourager” l’intégration des étrangers. Les 30 projets primés de la phase I comme leurs prolongements cantonaux dans les PIC’s (“Projets d’intégration cantonaux”) partagent une vision dite “intégrative” qui tend en somme à explorer toutes les voies de participation des étrangers à la vie commune sauf celles qui requerraient une quelconque adaptation, entorse ou bouleversement de nos mœurs constitutionnelles fédérales ou cantonales. Une deuxième phase de cette série est en cours pour les années 2015/2016 dont la date limite de dépôt a été prolongée au 15 mars 2015, qui tend à inclure la participation politique sur une base dite territoriale comme vecteur reconnu de l’intégration. On voit même y figurer des projets tels que celui que conduit Mme Claire Caloz-Tschopp dans le cadre du CIP (“Collège International de Philosophie”) et qui vise à repenser la figure de l’exil en dehors du cadre qu’imposerait l’Etat national. Cette éventuelle attention du processus de subventionnement fédéral à une évolution du concept de citoyenneté doit évidemment retenir notre attention.
Enfin comment ne pas mentionner que la politique qu’inspirent Mme Salerno et l’Agenda 21 au titre de la citoyenneté et de l’interculturalité est aux antipodes de la notion d’intégration des étrangers conçue comme une norme, fût-elle mouvante et évolutive, de comportement que les institutions auraient pour vocation d’exiger de leurs administrés étrangers. Ce type de norme, exemplifiée dans les contrats dits d’accueil et d’intégration, dont l’alignement entre confédération et cantons est recherché via les PIC’s, est intrinsèquement discriminatoire et radicalement incompatible avec le modèle dérivé du référentiel des “Cités interculturelles” du Conseil de l’Europe, axé sur l’égalité de traitement des habitants et l’imposition de normes exigibles des administrations à leur service. L’heure de la déclinaison de ces idées, nettement plus empathiques aux orientations de DPGE mais hélas limitées par la loi au municipal, a sonné, ce qui augure de future tensions entre canton et Ville, ou mutatis mutandis entre CA et CE.
Que peut penser DPGE d’un tel projet ?
A l’heure des restrictions budgétaires, face aux attaques des milieux xénophobes taxant a priori de somptuaire toute dépense orientée vers l’ouverture de nos institutions à l’apport des diverses catégories d’étrangers que connaît notre pays, il est certes impératif de valoriser y compris les timides et embryonnaires options de participation politique que l’actualité municipale leur consent. Mais valoriser n’est pas magnifier et le lyrisme avec lequel un politicien aguerri du calibre de M. Murat-Alder instrumente sa propre réussite pour parer des plus beaux atours l’ouverture acquise de nos institutions prête à sourire. DPGE soutient sans arrière-pensée tous les encouragements à faire usage du peu obtenu jusqu’ici, mais renâcle à ce qui veut gommer ce qui reste à faire d’urgence, selon son propre manifeste.
Or il est permis de penser que si certains cherchent à tout crin à inciter les étrangers à se mobiliser aux municipales, c’est pour parer au reproche courant que les étrangers, dont le taux de participation reste inférieur à celui, déjà médiocre, de nos compatriotes, ne méritent guère qu’on leur accorde plus dès lors qu’ils négligeraient de faire preuve d’un civisme comparable aux helvètes. C’est à notre sens une attitude arrogante qui témoigne en outre d’une faute de jugement. La participation civique n’est pas une carotte récompensant les bons élèves mais l’oxygène indispensable à la respiration démocratique.
Nul doute que les municipales 2015 une fois passées, nous aurons l’occasion de revenir sur ce point.