Récemment mis à jour le 30 juillet 2024 à 07:34:39
Une version de cet article a été sounise au Courrier le 3 juin 2024, dans le but de contribuer à mobiliser la fraction du public genevois habilitée à voter sur le canton à approuver l’initiative “Une vie ici, une voix ici … renforçons nnotre démocratie”. Il est consacré pour l’essentiel à convaincre de l’inanité qu’il y a à compter sur le processus de naturalisation pour obtenir le minimum de justice démocratique que l’initative vise à octroyer une bonne fois aux résidents du canton sans la caution du passeport. La seule condition supplémentaire requise des étrangers est d’être titulaire d’un permis de séjour légal depuis 8 ans, que nous considérons certes excessive pour se familiariser avec les moeurs électorales du pays, mais que les initiants ont alignée sur la durée en vigueur pour le droit de vote communal pour focaliser sur l’essentiel, ouvrir à l’expression du vote et de la candidature au niveau du canton. L’ajustement de la durée requise du séjour, largement arbitraire et éminemment variable selon les individus, devrait être possible expérience faite sans déclencher les résistances à l’oeuvre sur l’avancée de principe.
L’activité fébrile déployée depuis l’envoi des bulletins ne nous a pas permis une rédaction anticipée du présent article. Comme la campagne est déjà largement entamée et que le délai indiqué de parution nous mène au mieux à l’avant-veille du scrutin, le Courrier nous excusera de prendre les devants en livrant nos arguments sans attendre à notre réseau par le biais de ce site Web, permettant à celui de la campagne, et aux volontaires, de déjà les diffuser par citation. Nous remercions le journal pour l’avoir publié dès le jeudi 6 juin (cf sous https://bit.ly/3x1He51).
Quand faut y aller !
Jamais l’enjeu d’une votation cantonale genevoise n’a été aussi crucial. Songez qu’un seul bulletin de vote d’un·e genevois·e attitré·e peut faire pencher la balance au soir du 9 juin entre :
- 108’300 citoyen·ne·s supplémentaires dès la prochaine votation (22 septembre[1]) si le OUI l’emporte à l’initiative « Une vie ici, une voix ici … »
- maintien pendant 6 à 11 ans de 41.6% de la population résidente à l’écart de la participation à ces événements rythmant la vie politique genevoise du canton (une à plusieurs législatures).
Bien que d’autres items soient au menu de la votation du 9 juin et que nous arrivions dans la dernière ligne droite, puisqu’elle aura lieu dans exactement une semaine, il n’est peut-être pas trop tard pour rompre une dernière lance sur l’argument phare de nos adversaires, la naturalisation.
La naturalisation – voie royale ou leurre commode ?
Un slogan est répété en boucle par les adversaires de tout droit politique pour les étrangers, quelle que soit la durée de leur domiciliation légale en Suisse, ou par ceux qui se hérissent dès qu’il est question de leur conférer un droit allant au-delà de celui d’élire des suisses dans leur commune de domicile, conquis en 2005, « S’ils en veulent plus, ils n’ont qu’à se naturaliser ! ».
Nationalité et citoyenneté de résidence
La toute première objection à opposer à cette martiale injonction n’est pas, comme le claironnent de bonne foi certains de nos amis, de s’enferrer dans la démonstration scientifique de son impraticabilité concrète du fait de durcissements continus et avérés de la loi sur la nationalité[2]. C’est avant tout de convaincre que la nationalité ne répond pas aux conditions requises pour remplir l’objectif premier de l’initiative, mettre fin à l’injustice pesant sur les étrangers résidents en les privant d’intervenir dans la vie politique de leur circonscription.
Voilà bien des années que DPGE insiste sur les différences de principe entre la citoyenneté que nous réclamons et la nationalité. La première n’a pas à faire l’objet d’autre demande ou preuve de capacités que celles requises par le séjour, n’est ni transmissible, ni définitive et admet plusieurs échelles territoriales.
La possession du passeport, dont le nom même évoque sécurité du séjour au pays et du voyage sur la planète, accorde en effet tous les droits politiques pensables aux titulaires. Mais c’est au prix d’une série de caractéristiques non souhaitables ou non immédiatement nécessaires. Est-il requis des résidents en mal de participation de pouvoir à vie sortir et rentrer en Suisse, travailler dans le canton de leur choix, en changer ou s’installer durablement à l’étranger en conservant leurs droits politiques cantonaux, conférer la nationalité à leur progéniture, en faciliter l’acquisition à parentèle ou compagnons, bénéficier de la protection de l’ambassade ou du rapatriement où qu’on se trouve, être inexpulsable du territoire national, jouir de la réciprocité entre les rares états partenaires, codécider de la politique étrangère ou de ce qui concerne l’ensemble des cantons … ?. Non, bien sûr. C’est le dernier service à rendre à la naturalisation que de la dévoyer en marchepied de la citoyenneté locale.
Illusion pernicieuse
Une naturalisation opportunément débarrassée de relents identitaires, inégalités géographiques d’application ou conditions humiliantes d’attestation bureaucratiques d’intégration[3], est-elle à portée ? A notre sens, geindre sur les embûches de l’accès à la naturalisation risque de conforter l’idée que la citoyenneté cantonale ne serait qu’un pis-aller.
Réclamer, comme le fait l’initiative, l’accès à une citoyenneté complète mais limitée au plan cantonal est en passe d’aboutir alors que toute modification de la LN requiert l’assentiment des deux chambres et, outre celle des députés, l’approbation de la majorité des cantons. Dans les conditions actuelles où règne en Suisse alémanique, au Tessin, et même aux Grisons ou Appenzell, le désert en matière de droits politiques des étrangers, la contradiction entre revendiquer une citoyenneté indépendante de la nationalité et mener campagne sur la naturalisation reste béante.
Enfin, un simple calcul montrerait qu’il faudrait, à supposer qu’un tiers des résidents se résoudraient à demander la naturalisation, au compte-goutte annuel des naturalisations même à Genève … une vingtaine d’années pour atteindre l’objectif d’inclusion à portée de scrutin cantonal du jour au lendemain.
Conclusion
Le 9 juin, au lieu de tomber tête baissée dans le panneau de la priorité à la naturalisation que nous tendent les droites extrêmes et gouvernementales comme la partie du Centre faisant collusion avec des idées marquées de xénophobie, nous faisons confiance à nos compatriotes pour résister à la diversion et emprunter la voie de la lucidité et de l’efficacité en votant OUI à l’initiative qui débloque enfin à Genève la voie d’une démocratie à égalité de droits et devoirs de tous les résidents à long terme du canton.
Dario Ciprut, président honoraire DPGE
3 juin 2024
[1] Estimation OCSTAT et objets cantonaux : LIPP allègement fiscal des actionnaires, et LIP formation des enseignants. Une coquille s’est glissée malencontreusement, mais sans gravité, dans la version envoyée au Courrier, qui donne le chiffre de 100’800.
[2] Encore attestés tout récemment par le rapport de la CFM qu’ils mettent en avant.
[3] Nos compatriotes seraient par ailleurs fréquemment en peine de les satisfaire.